Traversée de Rochefort avec FredL le 26-27-28/08/06
Jeudi, j'ai rejoint Fred à Cluses. On a prévu de faire la traversée
Rochefort-Jorasses. Mais la météo annonce du vent en altitude
jeudi, on montera donc vendredi. On occupe donc notre jeudi à la Maladière,
falaise de 250-280m dans la catégorie raide, voire plus
Le petit
dessin sur un bout de papier pour ne pas prendre le topo ne nous a pas trop
aidé pour trouver le départ de notre voie
je me suis donc
retrouver à batailler ferme dans un superbe dièdre déversant,
avec une sortie délitée.
Pour la troisième longueur, je repars, et après 10m il manquait
une plaquette, et comme j'avais pas bien envie de sauter un point dans une longueur
en 6c, et que c'était pas bien normal que cette plaquette ne soit plus
là, je suis redescendu. Un guide italien est arrivé au relais
et nous a remis dans le droit chemin
j'étais dans un projet de
Piolat
Du coup on a suivi le guide. Après une belle traversée en rocher
très abrasif, il y avait un 6c, mais du 6c-Piolat-jeune, donc j'ai tout
donné pour arrivé au relais. Fred s'est bien chauffé les
bras aussi ! mais quelle ambiance, il n'y a plus besoin de plier la corde, elle
vole au dessus des surplombs !
Fred se lance maintenant dans un 7a, il a sorti toutes les techniques de pointe
dans le domaine de la bidouille ! en moulinette je n'ai pas fait beaucoup mieux
! décidément, c'est vraiment dur ! rien a voir avec la voie de
l'an dernier No lim anderes (8 ans sépare ces 2 voies)
Finalement on est sorti après plus de 6h de grimpe, pas mécontent
d'être en haut.
Vendredi matin, on passe le tunnel du mont blanc pour prendre la benne d'Helbronner.
Du parking on voit toute l'arête : " Bah, y a pas tant de neige
" En haut on croise le gardien de Torino qui nous fait une drole de tete
quand on lui dit qu'on va faire la traversée, le guide de la Maladiere
aussi disait qu'il y avait trop de neige. On ne pourra pas dire qu'on était
pas averti !
Vers midi on est au pied de la Dent du Geant. L'arête est superbe, ça
n'a pas l'air trop dur, mais il y a beaucoup de vent.
L'ambiance est impressionnante, c'est vraiment raide sur les 2 versants. C'est
un vrai jeu d'équilibriste qui commence, et le vent ne simplifie pas
le jeu. On trouve un peu de tout, de la glace vive, de la neige dur, de la neige
moins dur et du rocher. On arrive au pied de l'Aiguille de Rochefort, ca grimpe
en face sud, le rocher est sec, ca passe bien. Je fais relais au milieu et Fred
continu pour sortir au sommet. Il est 15h30, on se fait un petit pique-nique
et on regarde le topo pour la suite. On commence à calculer l'horaire,
on est vraiment en retard, et il nous reste encore un bon morceau avant le bivouac
Canzio.
Le vent souffle toujours aussi fort, on n'est pas dans les nuages, mais il y
en a tout autour. On descend les pentes de neige pour passe le col et dans ma
tête je recalcul l'horaire
" bon, je ne suis pas à l'aise
sur ce terrain, on a presque doublé l'horaire annoncé, et le topo
annonce encore 4h. Il est 16h, si on double l'horaire
tiens d'ailleurs,
le bivouac des Périades n'est peut-être pas si loin non ?
" Je m'arrête et fais part à Fred de mes inquiétudes
quand à la suite des évènements
il est bien motivé
pour continuer, mais j'ai des arguments
je sort la carte, Ah ben ouais,
les Périades c'est juste en dessous !
Aller, hop, y en a marre de ce vent, de toute façon si on arrive tard
au Canzio, on ne pourra pas partir dans les Jorasses, et puis vu qu'on double
les horaires
On suit les traces de skis des 2 gars qu'on a croisé, ils venaient de
Leschaud. On passe dans ce glacier, entre des barres de séracs impressionnantes.
On fini par arriver au bivouac, heureusement il n'y a personne car il n'y a
vraiment pas beaucoup de place ! Cette petite cabane posée sur l'arête
est vraiment fantastique, un vrai coin de paradis. Il est 18h, il n'y a plus
de vent, on est au chaud et tout va bien. C'est à ce moment qu'on mesure
comme c'est bon d'être raisonnable ! On profite de ce paysage sur tout
le massif, avec plus tard un couché de soleil superbe.
Topo en main, on cherche comment on va continuer cette aventure : on continu
l'arête ou on fait une goulotte sous la calotte ? mais comment on va retrouver
la voiture à partir du Canzio ?
Ah, le topo indique une ligne de
rappel versant italien, bon aller, on va au Canzio demain !
Après un bon repas, on se couche confortablement pour passer une bonne
nuit.
On quitte le bivouac vers 8h et comme la neige porte bien, on remonte au col
pour reprendre l'arete. On retrouve le vent, mais il fait grand beau.
Pour regagner l'arête, il faut passer par une pente de glace qui nous
remet tout de suite dans l'ambiance. Et les broches qu'on n'a pas sortie du
sac
aller, hop hop hop, on va vite sur l'arête. Les conditions ressemblent
à celle de la veille, une partie en glace coté français,
l'autre en neige avec de grosses corniche. Et en plus il y a une sorte de rimaye
entre la glace et la neige, je suis passé plusieurs fois dedans !
On arrive au pied du Dôme de Rochefort, de loin ca avait l'air bien raide,
mais en fait ca passe bien, c'est principalement en rocher. Du sommet on voit
le petit bout d'arête qui nous sépare de la calotte. Fred repasse
devant pour une désescalade peu commode.
C'est là qu'on mesure à quel point notre décision de la
veille était raisonnable, on serait arrivé à minuit au
Canzio
On arrive sur la calotte, toujours autant de vent, mais il fait beau, et théoriquement
2h nous sépare du bivouac. L'arête devient très effilée,
le versant italien est impressionnant et le versant français est pas
mal non plus
il y a de grosses accumulations, il faut faire le ménage
pour pouvoir passer. Après 2 petits rappels, on remonte une pente en
mixte. Ce qui est sur, c'est que le parcours dans l'autre sens ne doit pas être
facile
On arrive au dessus du col des Jorasses et on commence les rappels. On trouve
sans trop de mal des relais, mais le vent s'accélère et les nuages
viennent nous rendre visite. En peu de temps on se retrouve dans la purée.
On a 20m de visibilité et le givre s'accroche partout
ambiance
! On fini par gagner les pentes de glace qui forment le col. Heureusement qu'il
n'est pas bien grand ce col, je vois à peine Fred au bout des 15m de
corde
on bute rapidement sur l'arête des Jorasses, on bascule coté
italien, le vent nous secoue comme des marionnettes et enfin on tombe sur le
Canzio. Dans cette zone le vent est vraiment impressionnant, on tient à
peine debout. On ouvre la porte extérieur, la porte intérieur
est plâtrée de neige, et de la glace soude la porte aux montants
! A coup de piolet on décolle la glace, mais il y a une congère
derrière la porte !
On arrive à rentrer et on fait un peu le ménage pour pouvoir fermer
la porte et se protéger des assauts du vent. Soulagement, on est à
l'abri ! mais déception de trouver 2 gros sacs de déchets.
En tout cas, c'est pratique cette congère à l'intérieur
du refuge, on n'a pas besoin de sortir pour prendre de la neige pour faire de
l'eau !
Il est 16h30, finalement on a eu de la chance avec la météo, on
aurait pris ce mauvais temps sur l'arête l'aventure se serait transformée
en grosse galère.
Et après réflexion, si on avait vraiment continué la veille,
on n'aurait pas trouvé les rappels de nuit, on aurait été
obligé soit de faire demi-tour, soit de se mettre dans un trou de neige,
mais avec cette tempête
On s'installe confortablement et le thé est entrain de chauffer. Les
rafales de vent font un bruit continu sur les tôles du refuge.
On savoure notre présence dans cette abri alors que les éléments
sont déchaînés à l'extérieur.
Bon, mais comment ca va ce passer demain ? Si le temps se gâte vraiment,
on ne pourra pas s'engager dans les rappels, d'autant plus que je ne suis pas
très motivé pour descendre par là car j'ai vu la face depuis
l'arête et il y a beaucoup de neige, on risque de passer du temps à
chercher les relais voire même de ne pas les trouver
comment voir
des cordelettes autour d'un becquet sous la neige ?! Mais bon, si on descend
par Leschaud dans le brouillard c'est pas vraiment mieux, on va y passer beaucoup
de temps et faudra faire du stop pour retourner en Italie
Bon, ben faut voir demain matin, pour le moment on est au chaud sous les couvertures
et Fred nous a fait une soupe aux pates !
Vers 20h30, la curiosité me pousse dehors pour mesurer un peu la force
du vent, c'est un vrai jeu de combat
je remonte au col pour voir un peu
l'horizon, le ciel est dégagé, il y a des nuages dans les vallées
et le soleil se couche, mais quel spectacle !
Le vent a soufflé sans discontinué toute la nuit mais il fait
beau, on déjeune et on jete un il sur la ligne de rappel. Fred
dit que ca passe, moi je reste septique, mais au pire, avec le matos qu'on a,
on s'en sortira
le tout étant de ne pas coincer la corde !
Fred se lance, ca mission sera de trouver les relais, moi je n'aurai plus qu'à
suivre en faisant attention où passe la corde. Finalement, après
3h30 et 10 rappels sans trop de problèmes (une seul relais n'a pas été
trouvé) on arrive sur le glacier.
Maintenant, c'est droit dans la pente, mais on s'enfonce beaucoup, du coup,
dès que c'est possible, on fait de la luge, ca marche pas trop mal, mais
qu'est-ce que c'est froid !
On passe sous le refuge Boccalate et enfin on en termine avec la neige. On fait
une pause pique-nique et séchage des pantalons et chaussures.
On retrouve assez rapidement la vallée par un petit chemin détourné
pour éviter de marcher sur la route. Il n'y a plus de vent, il faut bon
le soleil brille c'est la fin d'une belle aventure. Après avoir subit
ces conditions climatiques, se promener dans les bois au soleil est un vrai
bonheur !
En conclusion, on peux râler contre météo France qui avait
annoncé grand beau et un vent faible en altitude
mais on s'en est
bien sorti quand même et l'ambiance était extraordinaire. Par contre
j'ai vraiment beaucoup de progrès à faire dans ce genre de course,
car même s'il y avait de la neige, on a mis 2 jours pour faire une étape
annoncée 9h
mais quel bonheur de dormir dans ces bivouacs, loin
des refuges bondés !